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Haythem Benzid

La diva Naâma, une artiste à répertoire de plus de 400 œuvres

Lorsqu'il s'agit des piliers de la chanson, difficile de ne pas évoquer les grandes voix ayant teinté la mémoire auditive et marqué notre ouïe. Saida Naâma en fait amplement partie de ces icônes qui ont laissé leurs empreintes indélébiles sur les moments de vie de chacun de nous. Elle appartient donc à ces symboles de la chanson porteurs d'envoutement, de plaisir, de rêve, d'amour, de joie et d'admiration.

Khemayess Ternan, Hedi jouini, Chikh El Ifrit, Hedi Guella, Sadok Thraya, Saliha, Oulaya et notre douce Naâma; cette constellation d’artistes a si bien marqué notre imaginaire collectif. Qui d’entre nous ne s’est pas réveillé un dimanche matin sur la merveilleuse voix de Naâma sur les ondes de la radio résonnant dans la cuisine de maman préparant déjà le déjeuner? Ces sons de la pure enfance sont ancrés au plus profond de notre âme. Ci-dessous le parcours de notre artiste.


Les grandes stations du parcours de la diva Naâma (Réalisé par Benzid et Fourati)


La naissance d'une artiste


Le 24 février 1934 a vu naître dans un petit village du Cap Bon, Azmour, la petite Hlima. À l’époque, personne ne pensait qu’après seulement 11 ans de cette naissance, la petite Hlima sera au-devant de la scène, avec sa petite voix douce, fredonnant en reprise les vieux titres de notre patrimoine devant l’émerveillement et toute l’attention du public ayant soif d'une sensibilité forte que véhicule les cordes vocales de la diva. Elle est issue d’une famille conservatrice vivant dans un milieu rural loin de la dynamique des grandes villes. Elle fut mariée à l’âge de 16 ans et se contentait à l'époque tout juste de petites prestations lors des fêtes de mariages et dans les soirées privées données dans son voisinage, majoritairement paysan et modeste.


À son adhésion à l’école musicale Errachidia en 1957, elle fut rapidement détectée par le musicien Salah Mehdi : sa présence remarquable et sa voix exquise ne l’ont pas laissé indifférent. Captant son talent, il lui donna alors le nom artistique de Naâma (mot qui signifie don) et lui composa son premier titre Ellil ah yalil jit nechkilek (Oh nuit! je viens me plaindre) qui fut diffusé pour la première fois sur les ondes de la radio nationale en cette même année. D'ailleurs, à l'époque la seule chaine radio du pays était l'unique lieu de promotion des artistes de l'indépendance.



En 1958, et très vite il faut le dire, Naâma est devenue un des piliers du groupe musical de la radio nationale.


La lumière de Naâma brillant


Grâce à cette participation périodique à la radio avec un rythme de production soutenu, puisque l'artiste s'est installée dans le quartier artistique de la capitale: Lafayette, la lumière de Naâma prend de l'ampleur dans le monde arabe. Cette médiatisation et cette abnégation de Naâma au travail de son art coïncidait avec la recherche du régime de Bourguiba d'une figure qui l'exprime artistiquement; cela s'opérait d'autant plus que le pays vient d'obtenir son indépendance. Cet élan national sera également une source d'acclamation de Naâma à l'échelle internationale. Elle était à ce titre décrite par les critiques des journaux arabes et occidentaux comme une "perle élégante, pleine de dynamisme et d’expression sur scène".


Lou Kan nar, une chanson composée par Mohamed Triki

Lou kan nar, Mahleha kelma fi fommi, Zaama Issafi Dahr, Charaa el hob; près de 400 chansons sont la trace éternelle d’une interprète douée et exceptionnelle par son dévouement à son travail. Cette persévérance lui a permis d'inscrire son nom en or au panthéon des artistes arabes. Pleine de vivacité, d’amour et surtout de constance dans son processus créatif, ces chansons composées par de grands musiciens de Tunisie, de Libye et d’Égypte sont classées parmi les éternelles des débuts de la chanson orientale enregistrée.


Zaama Isafi Idahr chanson composée par Mohamed Triki


Le journaliste culturel Tahar Melligi parlait dans cette perspective de Naâma comme suit : "J'ai vu Naâma chanter pour la première dans un concert public en 1958. C'était au Casino de Tunis, à côté du théâtre municipal. Ce soir-là, il y avait plusieurs vedettes. Naâma chanta un seul tube Enti wahdak saken Kalbi, paroles d'Ahmed Ghrairi et musique de Salah Mehdi. Plus tard, j'ai vu Naâma à l’œuvre durant les belles soirées ramadanesques de la Salle El Fath à Bab-Souika". (Tahar El Melligi, 2000, Les immortels de la chanson tunisienne, Tunis, Les Éditions MédiaCom, p. 60)

Naâma lors de l'émission "Kahwa Arbi" sur al-Wataniya 1 de Insaf Yahyaoui sur la télévision nationale

Au moment où nous écrivons ces lignes, Essayda Naama, comme ses fans veulent si bien l’appeler, est âgée de 81 ans et habite de nouveau dans son petit village natal Azmour. Même si elle n’est plus active depuis 1998, la vedette se classe parmi les plus grandes personnalités culturelles du pays par ses œuvres musicales construites avec un sens profond du détail et reposant sur des vécus forts quels qu'ils soient individuels ou collectifs. Elle demeurera une importante école de chant pour la nouvelle génération d’interprètes et une inépuisable source d'inspiration pour les artistes du monde entier.


Haythem Benzid

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