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Mohamed Ali Elhaou

Ali Saidane et Khaled Barsaoui mettent les projecteurs sur les Zaouïas dans la formation de l'identité nationale et de l'ancrage territorial

Jeudi 19 décembre 2024, à la salle d'Ibn Rachik à Tunis, dans le cadre de la 35ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) a été diffusé, pour la énième fois, le documentaire "Itinérances" (Rehlat Al wéjdane). Celui-ci est en circulation depuis deux mois au moins. Ce documentaire repose en effet sur une recherche anthropologique et historique effectuée par Ali Saidane. L’objectif de ce travail artistique est de restituer un patrimoine immatériel et symbolique en perte de vitesse : il s'agit de la culture soufie avec ses rites, ses chants et ses danses.


Jeudi 19 décembre 2024 à la salle d'Ibn Rachik à Tunis, dans le cadre de la 35ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) a été diffusé, pour la énième fois, le documentaire "Itinérances" (Rehlat Al wéjdane). Celui-ci est en circulation depuis deux mois au moins. Ce documentaire repose en effet sur une recherche anthropologique et historique effectuée par Ali Saidane.  L’objectif de ce travail artistique est de restituer un patrimoine immatériel et symbolique en perte de vitesse :  il s'agit de la culture soufie avec ses rites, ses chants et ses danses.
"Itinérances" de Khaled Barsaoui et Ali Saidane, capture d'écran ©culturetunisie.com

Plus particulièrement, l'intérêt pour ces 90 zaouïas, édifice religieux saint, disséminées sur l'ensemble du territoire est une façon d'alerter à la fois sur un patrimoine symbolique menacé par l'oubli et de montrer les coutumes populaires de la culture et l'art musulmans à travers la vénération des Saints.


L'originalité de ce documentaire est qu'il contient les liesses populaires. Il met les projecteurs sur les extases euphoriques et leur place dans l'islam de tous les jours, populaire : tel qu'approprié par les gens. Quoique, ce travail reprend à son compte certains extraits d'autres documentaires, ce qui lui enlève quelques-unes de ses qualités et notamment de sa créativité.


Les Zaouïas, aux origines du pouvoir local


En gros, focaliser sur ces lieux de prière, c'est une manière de mettre en exergue les origines du pouvoir politique local provenant du Moyen Âge et mené principalement par le biais des lieux maraboutiques à travers des touroqs الطرق telles que la Tijania, Issaouiya, etc. En ce sens, le documentaire montre comment ces lieux religieux sont fortement imbriqués à la politique, à la gestion de la cité et au fait religieux. Aux origines de ce pouvoir, c'est qu'à l'époque actuelle, comme aujourd'hui, la vénération des Saints, en réalité, est un appel au secours que chacun effectue au moment où il se trouve face à un choix difficile de sa vie ou même quand il se retrouve, par un concours de circonstances, dans une impasse totale.


Plus simplement encore, à travers la pratique du Moussem ou de la Zarda, en faisant des offrandes au Saint afin de préserver sa richesse ou sa bonne chance dans la vie. Plusieurs séquences de ce documentaire expliquent le pouvoir, entre autres, d'Abou Ali Sonni, Sidi Sahbi, Sidi Ibrahim Riahi, Mhamed Ben Aissa, Bou Ali Nafti, Hthili Massaoud, etc.


Esthétiquement


Ce documentaire fait voyager le spectateur dans plusieurs zaouïas. Il montre la dialectique entre les préceptes de l'islam officiel et orthodoxe et sa pratique populaire. Celle-ci est bourrée de sublimation, de croyance, de transe, de chants populaires, de psalmodies, de kharja ou la Banga (des expressions traditionnelles populaires qui vont jusqu'à manger les figues de barbaries avec leurs épines). Ces pratiques font, comme montré dans le documentaire, l'objet de rejet de la part de l'islam officiel.


Hédi Donia dans le film documentaire "Itinérances" de Khaled Barsaoui et Ali Saidane.
Hédi Donia, un des vétérans de la chanson populaire, documentaire "Itinérances", Capture ©culturetunisie.com

Malgré ce rejet, les croyances populaires continuent d'exister et nourrissent jusqu'à nos jours un pouvoir surnaturel attribué aux Saints tels que Sidi Bou Saïd, Sidi AbdelAziz, Saîda Manoubia, Abou Medyen Tlemçani, Sidi Belhassen, Sidi Mehrez, Sidi Ali Ben Aoun, etc. Durant 1 h 30, du nord au sud du pays, Khaled Barsaoui et Ali Saidane donnent à voir un large éventail de cette tradition ancestrale, des confréries, profondément ancrée dans l'identité des régions de notre pays et formant les fragments de l'identité nationale.


Aux origines de la chanson populaire aussi


L'intérêt de ce documentaire, c'est qu'il montre également comment ces Zaouïas constituent le berceau, la source, de plusieurs chansons populaires, notamment du Mezoued. D'ailleurs, ces Zaouïas sont des lieux traversant le temps et l'histoire avec une grande solidité et un vrai ancrage auprès du "peuple" et plus particulièrement les femmes. Celles-ci trouvent, comme montré dans le documentaire, dans ces lieux un large espace d'expression et de convivialité bien plus que dans l'islam orthodoxe, le plus souvent détenu par les hommes. L'expression artistique et musicale dans ces lieux est un mélange entre les souffrances individuelles et la glorification du Saint en question. Documentaire en dernier ressort à voir, car il est éminemment éducatif et porte un projet de revivification de ces lieux emblématiques, le plus souvent marginalisés et délaissés de nos jours. Aussi, ce documentaire remet sur la table le tiraillement, dans le récit, entre rationalisme et spiritualisme dans nos sociétés arabes.


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