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Art dramatique à la télévision en Tunisie : faudrait-il une nouvelle Agence nationale de promotion audiovisuelle, comme ce fut dans les années 90 ?

  • Ramzi Ayari
  • 16 avr.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 avr.

À l'apogée de la domination de la télévision dans les années 1960, ce moyen de communication a été considéré comme une avancée technologique sans précédent dans l'histoire et confirmé comme le dispositif de propagande le plus puissant de l'époque de l'après Deuxième Guerre mondiale. En effet, la télévision s'est accaparée d'importantes portions de la géographie de la radio et a occupé de plus en plus une part des fonctions d'information, d'éducation, de culture, de divertissement, de service rendu à la sphère politique et de moteur orientant l'attention sur les sujets marquants l'espace public.


Dans ce contexte, la fiction et l'art dramatique radiophonique qui étaient en vogue depuis les années 1940 jusqu'aux années 1970 ont migré vers les territoires de la télévision, à l’image d'autres secteurs tels que le cinéma, le théâtre, la musique et le chant se sont infiltrés dans ce nouvel appareil, plus populaire et donnant de l'aura et de la résonance aux œuvres fictionnelles.


À l'apogée de la domination de la télévision dans les années 1960, considérée comme une avancée technologique sans précédent dans l'histoire et confirmée comme le dispositif de communication le plus puissant de l'époque de l'après Deuxième Guerre mondiale. En effet, la télévision s'est accaparée d'importantes portions de la géographie de la radio et a occupé de plus en plus une part des fonctions d'information, d'éducation, de culture, de divertissement, de service rendu à la sphère politique et de moteur orientant l'attention sur les sujets marquants l'espace public.
Régie de la télévision, ©culturetunisie.com

Le temps de l'image  : malédiction ou bénédiction  ?


L'art dramatique a quitté son lieu d'origine où il a germé, fleuri et prospéré, à savoir la radio tunisienne qui a commencé à émettre en 1938, pour entrer dans le vaste monde de la télévision. Il ne reste plus de la magie des "romans" et des "pièces radiophoniques" et de l'histoire de "la troupe théâtrale de la radio tunisienne" formée par l'artiste Hamadi Jaziri que des souvenirs éclatants dans le cœur des générations ayant vécu et suivi cette période et continuent de la raconter avec un esprit doré.


Les années soixante-dix ont constitué une phase de transition entre la fiction radiophonique vers la narratologie télévisuelle, où la plupart des acteurs de ce domaine créatif sont passés à la télévision sans renoncer à leur appartenance à la production dramatique à la radio.


Après que les œuvres produites jouaient des rôles d'éducation, de culture et de divertissement et contribuaient à la création du goût, elles se sont soumises, surtout en ce début du 21ᵉ siècle dans notre pays, au diktat de la "machine de production".


Parmi cette constellation qui a brillé entre la radio et la télévision se trouvent Mohamed Ben Ali, Habib Belharith, Hassan Khalssi, Zahra Faiza, Mokhtar Hachicha, Jamila Al-Orabi et Dalenda Abdou, entre autres. Ces comédiens ont créé les débuts de la dramaturgie télévisuelle, avec le début de la série "Sara" puis la série "Omi Traki" en 1972.


Quant au véritable décollage de la dramaturgie télévisuelle tunisienne, il a commencé en 1991 avec des œuvres importantes telles que "An-Nass Hkaya" et "Al-Khotab Al Beb". Ce sont des œuvres réalisées avec des réalisateurs expérimentés, parmi lesquels Abdelrazek Hamami, Mohamed Haj Slimen, Ezzeddine Al-Harbewi, Habib Msalméni, Rachid Ferchiou et Hamadi Arafa.


Et afin d'approfondir l'expérience dramatique télévisuelle tunisienne, de la restructurer, de réfléchir à l'abondance de la production ainsi qu'à sa promotion, et de sortir du cercle vicieux de la production dramatique spécifique au mois de Ramadan, la télévision tunisienne a créé au début des années 90 l'Agence Nationale de Promotion de l'Audiovisuel (ANPA), qui a joué, surtout durant la décennie des 90, un rôle historique dans la production d'œuvres importantes et intemporelles telles que "Al-Dowar", "Sayd El-Rim", "Awdat Al-Minyar" et "Gamret Sidi Mahrous", pour ne citer que ceux-ci.


L'ANPA avait aussi les pouvoirs légaux pour s'ouvrir au secteur privé, et le coup d'envoi a été donné avec l'idée du "producteur exécutif" qui libère le processus de production de la bureaucratie administrative étouffante. Ainsi, la première personne à avoir accompli cette tâche pour la télévision est le regretté producteur Ahmed Baha Eddine Attia, qui vient du monde du cinéma.


Cette dynamique s'est poursuivie jusqu'en 2007, date de la dissolution de l'ANPA, ouvrant largement la voie au secteur privé et laissant le secteur public abandonner ses rôles en matière de production de la dramaturgie télévisuelle.


C'est ainsi que le secteur de l'art dramatique s'est réduit comme une peau de chagrin en qualité surtout, et il n'émerge donc qu'en période de Ramadan. Et même s'il est présent à cette période, la plupart de la production est marquée par de nombreuses difficultés, qu'elles soient financières, techniques ou administratives. Aussi, sur le plan du contenu, la dramaturgie se tourne vers les personnages anti-héros, consommables, qui deviennent la norme en ce moment, tels que les gangsters et les personnes violentes, souvent objets de convoitise par le grand public.


En ce sens, cette dramaturgie s'est inspirée de la recette états-unienne et a favorisé la mise en visibilité de modèles sociaux appartenant au monde du crime à la place d'anciens modèles, venus du monde de la culture et de la pensée. D'ailleurs, les administrations successives à la tête de la Radio et de la Télévision tunisiennes étaient conscientes de ce qui se passait. Ainsi, en remplacement de la régie de l’État, s'est installée une abondance, quoique saisonnière, de productions réalisées par des entreprises privées proches du pouvoir, ou bien dans l’orbite de celui-ci, et de la famille de l'ancien président Ben Ali, qui en sont venues à considérer la "publicité et les annonceurs" comme une proie financière à conquérir, quel qu'en soit le coût.


Par conséquent, la télévision tunisienne, après avoir été prise d'assaut par le secteur privé, a connu de graves dérives. Après que les œuvres produites jouaient des rôles d'éducation, de culture et de divertissement en s'appuyant sur des textes littéraires et des romans d'écrivains tunisiens éminents tels que Bachir Khraief, Ali Douagi, Abdelaziz El Aroui et Ali Louati, et contribuaient à façonner le goût, à diffuser les valeurs et à s'harmoniser avec ce que fait l'institution éducative pour façonner la citoyenneté tunisienne, les œuvres dramatiques apparues après le début du troisième millénaire ne s'appuient plus principalement sur ce que les écrivains et les romanciers écrivent, mais sur une conception, souvent à la hâte et dans la précipitation, de la "machine de production".


Tout compte fait, la déviation de la dramaturgie télévisuelle a gravement nui à la société tunisienne, de manière apparemment invisible mais réelle, en diffusant des valeurs de violence et une culture du risque. Lorsque le spectateur parcourt les génériques de ces séries, il constate que le réalisateur est celui qui a écrit et traité le dialogue et choisi les acteurs, sans tenir compte des questions relatives aux valeurs sociétales et de coexistence.


Dramaturgie dépourvue de signification dans la durée


Cela a conduit à ce que l'on peut appeler la mort du sens de la dramaturgie télévisuelle en Tunisie. Les œuvres dramatiques présentées au cours des deux dernières décennies trouvent des justifications pour leurs nombreuses lacunes symboliques de la part des analystes, des suiveurs et des critiques sous des clichés effrayants tels que "nous devons nous confronter à nous-mêmes par la dramaturgie" ou "aller vers l'inavouable" ou "c'est notre vérité, il faut se regarder dans le miroir". Parfois, le public découvre que ceux qui justifient sont eux-mêmes en orbite autour de la "machine de production" et appartiennent au même groupe.


Cette dérive de la télévision dramatique a porté un fort préjudice à la société tunisienne, de manière peut-être invisible mais réelle, en diffusant des valeurs de violence et une culture du gain rapide. Les "leaders" de ces fictions appartiennent au monde du crime tels que "loural", "Ali Choureb", "Ouled Moufida", "Chokou", etc.


La dramaturgie télévisuelle tunisienne manque donc d'études à son sujet et d'une déconstruction de ses messages éthiques, politiques et esthétiques. Malgré les efforts provenant d'ici et là dans les universités tunisiennes, les associations, les initiatives des centres d'études ou des laboratoires de recherche, cela ne suffit pas à éteindre le feu qui a embrasé la société. Il est donc nécessaire d'une stratégie nationale claire spécifiquement pour la dramaturgie télévisuelle, à l'instar de ce que de nombreux pays arabes et étrangers ont fait.


Article de Ramzi Ayari, Directeur de la radio culturelle

Texte traduit de l'arabe par Mohamed Ali Elhaou/source du texte original :



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Khmaies Ben Younes
il y a un jour
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C'est un texte magnifique, il comporte des informations précieuses pour les générations futures qui doivent chercher dans le passé pour pouvoir avancer

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