Aïcha de Mehdi Barsaoui : au bout du tunnel, de l'espoir
Dans le cadre de la 35ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage, le public aura rendez-vous avec le film Aïcha de Mehdi Barsaoui. Dans ce film jouent par ordre d'importance : Fatma Sfar, Yasmine Dimassi, Nidhal Saadi, Mohamed Ali Ben Jemaa, Hela Ayed, le grand acteur Bahri Rahali, Riadh Hamdi, Younes Naouar et bien d'autres acteurs. C'est en effet le deuxième long métrage de ce cinéaste après Un fils diffusé en 2019. Ce film atterrit à Tunis après une tournée en Europe et en Amérique latine : ce long métrage est allé même en Argentine. Il a à ce titre reçu plusieurs prix.
Le film se situe, en substance, dans le même axe que celui de Kaouther Ben Hnia à savoir La Belle et la Meute, notamment dans son aspect thriller et dans la mise en cercle vicieux des personnages vivant en sursis. Le film Aïcha dure ainsi deux heures et raconte l'histoire d'une jeune femme, Aya Thaoui, originaire de Tozeur, travaillant dans un hôtel de la région : Mirage Palace. Elle vit avec ses deux vieux parents. Ces deux derniers comptent sur elle pour terminer les jours qui leur restent, tout en étant criblés de dette.
Dès sa jeunesse, Aya se trouve ainsi dans plusieurs goulots d'étranglements, au premier rang desquels le noyau familial. La jeune Aya rencontre plusieurs obstacles dans sa vie quotidienne. Elle est tiraillée entre la famille, un amoureux potentiel, Youssef, et le désir de changer de cadre, d'environnement socioculturel.
Changement brutal
Ce moment de changement viendra le jour d'un grave accident, le minibus du travail déraille, elle sera la seule rescapée du drame. Par les autorités, elle sera considérée comme morte. C'est l'occasion pour elle de se libérer du joug d'une société du sud envisagée dans cette fiction oppressive, d'exploitation et très normée. C'est le moment pour elle également de couper le cordon ombilical, de se séparer de ses parents et de leurs problèmes. Elle part donc à Tunis, perçue par Aya comme la ville de la liberté avec une autre identité et avec de nouvelles espérances. Il est à noter que l'accident est filmé d'une façon véridique à tel point que certains plans sont insupportables par leur sincérité.
À Tunis, elle rencontre le monde de la nuit, ses déboires, ses opportunismes et ses plaisirs dangereux. Aya Thaoui sera confrontée à un meurtre, des accusations, des confrontations, des témoignages, d'une ouverture d'un dossier d'instruction, d'une famille de la victime, enragée demandant le droit de leur défunt, d'un procès, des cafouillages, des institutions dont les responsables savent la vérité du meurtre et essayent de la taire pour protéger les puissants ; mais à chaque fois le vent tourne de son côté. Au final, après moult problèmes en cascade, elle en sort indemne avec un autre nom : Aïcha. Ce nom est une métaphore pour dire que cette femme est survivante.
Esthétiquement
Le film, surtout à son début, montre des plans et des images très reluisants de la ville de Tozeur. Il montre aussi que le personnage principal peut être une femme dans le film. D'ailleurs, Fatma Sfar a bien porté le personnage d'Aya Thaoui deux heures durant (elle est presque dans toutes les séquences) et a bien étalé un très bon potentiel de comédienne. En ce sens, elle est très crédible tout au long de cette fiction. Aussi, Nidhal Saadi et Mohamed Ali Ben Jemaa ont été également très convaincants. Nidhal Saadi surtout a très bien incarné le rôle du policier intègre cherchant la vérité d'un meurtre, contre vents et marées. Il est à constater qu'il est en constante progression au fil des rôles à la fois à la télévision qu'au cinéma.
Yasmine Dimassi a fait, à son tour, un travail remarquable au même titre que tous les autres comédiens. Ce qui est intéressant dans ce film est que Barsaoui a donné l'occasion pour des nouveaux visages d'apparaitre comme le formidable acteur dont le jeu brille le naturel, à savoir Younes Naouar.
Quelques bémols
Ce film est hyper attendu depuis au moins un mois sur nos grands écrans. D'ailleurs, même s'il comporte une intrigue sous la forme d'une poupée russe, cette fiction demeure un film d'auteur. Techniquement, le film est presque sans faute. Parmi les griefs, c'est la scénarisation, le film est extrêmement long, on aurait pu comprendre l'histoire en une heure dix minutes max. Barsaoui montre son attachement très fort à certains plans dont il n'arrive pas à s'en débarrasser même s'ils ne sont pas très importants dans le cours de la dramaturgie.
Le film aurait gagné en originalité s'il se passait entièrement dans le sud. Ce sentiment aura créé un sentiment de dépaysement chez le spectateur. Troisième grief, c'est l'absence d'originalité dans la narration. Certes, cette fiction a demandé beaucoup de travail dans son montage, à la fois financier et dramaturgie, mais elle donne beaucoup le sentiment du déjà-vu. Aussi, à un certain moment, le spectateur sent parfois qu'il est devant une série de télévisions et pas vraiment dans un film cinématographique. Tout compte fait, travail méritant sincèrement d'être vu.
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