top of page
Rechercher

Konaté lors de la 3e édition des Théâtres du monde : sucre, sarcasme et lutte contre l'oubli

  • Mohamed Ali Elhaou
  • 24 mars
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 mars

Dimanche 23 mars 2025, dans le cadre de la troisième édition du "Théâtres du monde" organisée par le Théâtre National, le public avait rendez-vous à 21 h 30 avec une pièce inédite qui respire et transpire l'africanité à savoir "Sucre — an ice cream for a nice crime" du chorégraphe et danseur ivoirien Abdoulaye Trésor Konaté. Celui-ci réside en France, depuis au moins une décennie.


La pièce, durant une heure, interroge en effet avec une très profonde recherche sur la musicalité, le son, l'existence de l'homme noir. Avec des interprètes évoluant sous la blancheur des lumières latérales, la pièce questionne la dignité de l'homme noir, sa valeur dans ce monde, son droit à une existence libre. Existence à la fois dans son pays, mais aussi quand il a envie de  changer de territoire, se déplacer, choisir une autre culture et une autre patrie.     La peau noire est-elle un péché ? L'apparence est-elle une condition à la précarité ou bien au bonheur ?  Comment l'homme (femme) noir peut-il s'exprimer, prendre la parole, à l'heure du formatage des esprits, entre autres, à travers les médias de masse ?
Abdoulaye Trésor Konaté sur les planches du 4e art le 23 mars 2025 © TNT

La pièce, durant une heure, interroge en effet avec une très profonde recherche sur la musicalité, le son, l'existence de l'homme noir. Avec des interprètes évoluant sous la blancheur des lumières latérales, la pièce questionne la dignité de l'homme noir, sa valeur dans ce monde et son droit à une existence libre. Existence à la fois dans son pays, mais aussi quand il a envie de changer de territoire, se déplacer, choisir une autre culture et une autre patrie.


La peau noire est-elle un péché ? L'apparence est-elle une condition à la précarité ou bien au bonheur ? Comment l'homme (femme) noir peut-il s'exprimer, prendre la parole, à l'heure du formatage des esprits dominé, entre autres, par la narrativité des médias de masse ?


Ce sont quelque-unes des questions soulevées par cette pièce. Pour y répondre, la pièce choisie le thème de la production du sucre. Ses origines. Celle-ci marque le début de la mondialisation, l'industrialisation, c'est l'âge de l'esclavagisme et le besoin d'une force de travail de masse pour alimenter une production à la chaine pour toute la planète : commerce triangulaire. Au commencement, la pièce montre tout d'abord l'exploitation de l'homme noir par son frère de la même couleur. La genèse donc de cette mise en soumission, ce sont des buts endogènes ; purement lucratifs et instrumentaux.


Le récit de la production du sucre est une façon de narrer l'aliénation au travail. Celle-ci avait débuté au 16e siècle, entre autres, dans des compagnies au Brésil, aux Antilles, aux îles de l'océan Indien, aux États-Unis et en Afrique du Sud, entre autres. Mais également, c'est l'histoire de déplacement de l'homme noir de l'Afrique vers d'autres cieux.


Petit extrait du spectacle : "Sucre — an ice cream for a nice crime", le 23 mars 2025 à la salle du 4e art à Tunis


La culture de la canne à sucre, symbolisée dans la pièce, notamment par des tubes néons, porte dans son sillage plusieurs vagues industrielles comme celles du café, du tabac, de l'indigo et du coton. Dans chacune de ces dernières, l'homme noir y a été la solution facile, le moteur et le carburant.


Lors de cette performance, Abdoulaye Konaté partage la scène avec le comédien ivorien Irié Philippe et le musicien et chanteur malien Lassiné Koné. Les trois recourent au rythme, au discours et mobilisent les altercations et le parasitage du bruit. Ils mettent avec brio la dialectique de la douceur, de la musicalité du son africain, de sa naïveté et l'amertume de l'exploitation, de la solitude dans un univers industriel, sans pitié, exerçant la violence pour des impératifs de progrès absurdes, ou peu s'en faut.


En ce sens, le spectateur, à chaque moment de spectacle, est mis en posture de témoin de cette marginalisation par le travail. Cette critique de l'idéologie du progrès est signifiée par le signal "sens interdit" disposé en première ligne de la scène.


Abdoulaye Konaté, partageant la scène avec le comédien Cédric Djedje et en recourant au rythme, au discours, en mobilisant les altercations et le parasitage du bruit, montre la dialectique de la douceur de la musicalité du son africain, de sa naïveté et l'amertume de l'exploitation, de l'aliénation dans un univers industriel, sans pitié, exerçant la violence pour des impératifs du progrès absurdes, ou peu s'en faut. En ce sens, le spectateur, à chaque moment de spectacle, est mis en posture de témoin de cette marginalisation par le travail.  Cette marginalisation et cette critique de l'idéologie du progrès est signifié par le signal "sens interdit" disposé en première ligne de la scène.
Signal de "Sens interdit" mis en première ligne de la scène comme une forme de critique à l'idéologie du progrès, source d'impérialisme ©culturetunisie.com

Durant une heure de jeu, de musique et d'un instrument de musique, la Kora (Kamele ngoni) — tantôt transformée en fusil de chasse, par le bruit qu'elle produit sur scène ; tantôt comme instrument d'ambiance mettant en avant la douceur de la culture africaine — cette pièce narre de façon poétique et amère des blessures ne cicatrisant plus : un oubli impossible.


Au centre du spectacle comme au centre de la scène, le sucre devient, tout au long de cette performance de groupe, un prétexte pour rendre compte des aveuglements engendrés par l'appétit du gain, l’exploitation et la violence mercantiliste. Le spectacle montre bel et bien l'origine des rapports toxiques et empoisonnants entre les êtres humains : l'impérialisme et la domestication des faibles par les forts. Très bon choix pour cette troisième édition du "Théâtres du monde", car cela ouvre des perspectives pour un monde plus juste.


Pour info : Abdoulaye Trésor Konaté franco-ivoirien, chorégraphe, directeur artistique de ATeKa, entreprise ayant conçu et chorégraphié ce projet artistique, la scénographie de Ikhyeon Park, sous les lumières de Blaise Jacquemin, le texte dit au plateau est de Jean Pierre Hamon et la composition musicale, pour terminer, est de Thibault Cohade accompagnée par le Kamelé de Lassiné Koné musicien malien.





1 Yorum

5 üzerinden 0 yıldız
Henüz hiç puanlama yok

Puanlama ekleyin
Hamon Jean-Pierre
25 Mar
5 üzerinden 5 yıldız

Merci pour votre article et votre analyse du spectacle chorégraphique de "Sucre" ["An ice cream for a nice crime"] d'Abdoulaye Trésor Konaté et de son équipe.

Bien cordialement.

JPHamon [auteur du texte de "Sucre"]

www.jp-hamon.net

Düzenlendi
Beğen
 À l'affiche
Derniers articles
Archives

    Lancé en 2014, ce site avait initialement une vocation universitaire avant de se transformer en l'un des rares espaces spécialisés dans la critique culturelle en Tunisie. Aujourd’hui, il propose des articles multimédias en trois langues : arabe, anglais et français. Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter Mohamed Ali Elhaou, fondateur de ce média culturel, à l'adresse suivante : elhaou@gmail.com

    Vos informations ont bien été envoyées !

    bottom of page