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Mohamed Ali Elhaou

À l'ouverture de la 58ᵉ édition de Carthage : Lotfi Bouchnak la hargne de réussir

« À force de forger, on devient forgeron », ce proverbe s’applique parfaitement à la carrière de l’immense compositeur, chanteur et interprète Lotfi Bouchnak. Son spectacle le 18 juillet 2024 au festival de Carthage, la banlieue nord de Tunis, sera sans doute dans les annales de notre patrimoine culturel. Il est en effet porteur de plusieurs messages aux jeunes artistes et même à ses contemporains. En l’occurrence, parmi ces messages, on trouve que le travail, la persévérance, la capacité à innover et l’adaptation aux différentes façons à faire de la musique. Aux côtés de ces qualités, Lotfi Bouchnak, au fil d’une carrière démarrant en 1974, a montré une grande souplesse et ouverture sur ce qui se fait à la fois à l’échelle arabe mais aussi à l’échelle mondiale.


Lotfi Bouchnak, le 18 juillet 2024 @FIC

Hier, le grand chanteur a été sous l’orchestration de Fadi Ben Othman et de son fils Hamza Bouchnak. Ce dernier, qui a distribué autrement certains morceaux, semble avoir hérité le talent de compositeur de son père et porte de l’amour familial dans sa guitare sèche même, l’utilisant pour alimenter à merveille ce spectacle.


Une voix sublime


En touchant du bois, la voix de Lotfi Bouchnak demeure intacte. Elle est limpide comme s’il venait de faire ses premiers pas alors même qu’il fête ses 50 ans de carrière dans le monde de la musique savante et en même temps accessible au grand public. Cela dénote l’implacable discipline de l’artiste dont l’art pluriel touche toutes les générations confondues : adolescent, adultes ou vieux. Même divers, ses choix artistiques tournent autour du langage tunisien simple de tous les jours. Le tout dans le cadre de la tunisianité : ce pays que l’on veut à la fois moderne et attaché aux accumulations culturelles qui se sont faites au fil des siècles, sans fixation ni idéologie.


Dans cette représentation, comme tout au long de sa présence au sommet de la pyramide artistique, Bouchnak n’a pas cherché le succès facile. Il a collaboré avec les grands poètes de la chanson du pays du jasmin tels qu’Ali Louati, Adam Fathi, Slaheddine Bouzayene, Ali Ouertani et bien d’autres poètes. Ceux-ci sont ses compagnons de route et ont de fait montré qu’ils demeurent les plus grands de la scène artistique contemporaine, depuis maintenant plus de 40 ans.


Bouchnak chante tous les genres musicaux


Lotfi Bouchnak est non seulement un artiste de la chanson locale, mais c’est un interprète à calibre mondial. Il chante la chanson engagée, les psalmodies ramadanesques, la musique populaire d’el Mezoued, la chanson classique mobilisant les compositions de Chopin par exemple ou de Verdi, la poésie arabe, le Tarab, la chanson solennelle nationale, la chanson des mariages et même la chanson rock. C’est un chanteur hors norme, d’autant plus qu’il compose lui-même un certain nombre de ses chansons comme Enti chamsi enti pour ne citer que celle-ci. Hier soir, cet immense artiste a été très généreux avec le public et il n’a pas arrêté de chanter trois heures durant.


La fin du spectacle s’est terminée avec un changement de costume, d’une partie de décor et d’instruments. Ainsi, dans la dernière 45 minutes de la soirée, habillé en jebba, Lotfi Bouchnak a donné le la pour une ambiance Rboukh dont raffole un public qui n’a pas voulu quitter les gradins même vers une heure 15 minutes du matin.


Seul bémol, c’est la longueur du spectacle et l’encombrement de la scène. En effet, il y avait presque plus de 70 musiciens avec des chorégraphies se situant au premier étage de la scène. Ces derniers n’étaient pas visibles à l’ensemble des spectateurs : les danseurs n’ont pas trouvé l’amplitude suffisante pour se rendre visible et exprimer leur prestation corporelle. Aussi, le réglage du son n’était pas également au point. Il y avait un parasitage saillant. En outre, le son est tantôt fort, tantôt faible.


Faudrait-il rappeler que la carrière de Lotfi Bouchnak impressionne, car il a réussi à maintenir à la bonne distance ses amis. C’est quelqu’un de très humble, sachant tirer le meilleur de ceux avec qui il collabore. Il est de fait habité par son travail artistique et créateur. Dans cette perspective, l’ouverture de la 58ᵉ édition de ce festival prestigieux a été à la hauteur des attentes du public et a davantage augmenté le respect pour ce créateur ainsi que son aura arabe et internationale.


Il importe de signaler que les chansons de Lotfi Bouchnak ont été accompagnées par les morceaux de films du grand réalisateur Férid Foughedir tels que L’enfant des terrasses et un Été à la Goulette où l’âme du grand acteur Mustapha Adouani décédé le 14 décembre 2006 a été bel et bien présente. Ceci est bien évidemment la touche de l’imaginatif Abdelhamid Bouchnak, le metteur en scène de ce spectacle. Ce dernier a essayé de conjuguer son univers à lui avec celui de son père ; ce qui n’est pas chose facile, demeurant, donc, améliorable.


Aussi, au fil de ces passages d’image à l’écran, se profile le beau visage de Jamila Jami, une jeune actrice charismatique et de talent, jouant de manière silencieuse le rôle de la mère de Lotfi Bouchnak : Soufia. Casting donc judicieux et une des belles découvertes de ce spectacle sincèrement à voir. Dans cette représentation est indéniable également l’amour pour la Médina de Tunis et ses belles ruelles.


Jamila Jami, dans le rôle de la mère, Soufia, de Lotfi Bouchnak @Elhaou

Espérons que le succès de ce concert participe concrètement à la restauration de certaines ruines de ce lieu porteur de l’histoire de notre pays.

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