La soirée de « The Wailers » : entre la Jamaïque et la Tunisie, il y a plus que Bob Marley
Beaucoup ayant assisté au spectacle de The Wailers hier le 28 juillet 2024 disent que : "c'est l'une des meilleures soirées depuis le démarrage de cette 58ᵉ édition". En effet, la scène du théâtre romain de Carthage était verdâtre, cela signifie à la fois la jungle et la marihuana dont la consommation a proliféré avec l'expansion de cette musique.
Avec la chaleur d'hier, les battements de la batterie et le son du rythme d'extase de la musique reggae, les spectateurs se sont noyés dans un univers tropical et vierge. La plupart des présents étaient ailleurs, mais sans aucune substance toxique, ce fut un voyage gratuit dans une autre culture avec ce qu'elle apporte comme croyances, coutumes et rituels. L'imaginaire a trouvé donc son lieu de prédilection lors de ce concert et a été au rendez-vous face à un groupe martelant le message de la "paix, de l'amour et de l'unité".
Mitchell Bruning, dans la lignée de Bob Marley
Dans une performance durant 1 heure et trente minutes, avec l'insistance des publics présents, Mitchell Burning, qui a rejoint le groupe The Wailers en 2022, a fait tache d'huile sur les planches de Carthage en chantant les fameux morceaux du mythique Bob Marley comme Buffalo Soldier, Wainting in vain, Could You Be Loved, Stir It Up, le chef-d'œuvre Exodus, No Woman no Cry et bien d'autres morceaux qui ont fait la gloire du reggae après la "Révolution de mai 1968" dans le monde entier.
The Wailers continuent leur tournée mondiale grâce au patrimoine laissé par le mythique Bob Marley ; artiste-dieu dont l'héritage est objet de convoitises et querelles de la part de ses propres héritiers. Hier, le groupe The Wailers était composé de trois guitaristes, d'un batteur, deux choristes, d'un musicien de clavier et bien sûr du chanteur principal dont l'interprétation se rapproche beaucoup du "lion de la musique" reggae : Mitchell Bruning. Ces compagnons de Bob Marley mettent les pieds pour la première fois dans un pays d'Afrique ou encore dans un pays arabe, selon leurs propres mots. Leur prochaine escale, c'est la France.
Le reggae, c'est plus qu'une musique : une arme et une religion
À travers le groupe The Wailers, mais aussi d'autres à l'instar de Naâman, Jr Thomas And The Volcanos, Tiken Jah Fakoly, The Ligerians, Joe Pilgrim, Rita Marley et même Alpha Blondy et d'autres, la musique reggae prend des proportions religieuses et constitue une arme symbolique pour défendre la cause des faibles et des marginaux. Elle se veut, de fait, l'incarnation de l'esprit Rasta. Autrement dit, le mouvement rastafari est un phénomène social total se développant à partir de la Jamaïque dans les années 1930 sous l'influence éthiopienne. Cette influence s'opère grâce, en grande partie, à l'emprise de la colonisation britannique qui met la main sur les deux pays et assure la communication entre eux à travers l'échange des individus et des marchandises.
En effet, le nom du mouvement vient de Ras, c'est-à-dire duc, Tafari Makonnen. Celui-ci deviendra la figure légendaire de l'Afrique au 20ᵉ siècle. Le Ras Tafari, prince éthiopien, a été très vite nommé empereur de cette contrée en prenant le surnom de Haïlé Sélassié. Il a régné de 1930 à 1974. Il sera assassiné en 1975. Pour les rastafaris, ce Negusse Negest, le Roi des rois, est bel et bien Dieu incarné en homme. C'est ce qui explique en partie que les musiciens et les chanteurs développent une musique dont l'aboutissement est la transe. Cette musique, profondément religieuse, a une apparence hippie, et a irrigué en partie, et paradoxalement, le mouvement de libération et de démythification du pouvoir en Mai 68, entre autres. Ce mouvement est profondément désacralisant de tout. Les publics d'hier furent ainsi pluriels : Africains, Européens et Américains. Tous dansaient comme un seul être sur une musique invitant, tout simplement, à profiter du temps présent et de la vie. Entre la Jamaïque et la Tunisie, il y a donc l'amour de cette musique, le désir de justice mondiale et la liberté d'expression sans normes préétablies.
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