"Tyour Ellil", texte d'Ezzedine Gannoun revisité par Imed May : les œuvres anciennes, un pont pour la créativité d'aujourd'hui
Hier, le 4 décembre 2024, au théâtre El Hamra à Tunis, les amateurs du 4ᵉ art avaient rendez-vous à 16 h avec la pièce "Tyour Ellil" (Chauves-souris, Ndlr) de Ezzedine Gannoun. Cette revisitation du texte écrit pour ce metteur en scène, décédé le 29 mars 2015, est faite par Imed May, un homme de théâtre, fructifiant cet art dans les universités et auprès des étudiants férus de cette forme d'expression sur scène. Tyour Ellil contient plusieurs didascalies, ce qui facilite sa reproduction et son renouvellement. Dans Tyour Ellil, dans sa nouvelle version, jouent trois protagonistes. Ils sont, tour à tour, Zayneb Ajengui, Ayadi Ounallah et Wyssal Marzouk. La reprise de cette œuvre a été facilitée par la dirigeante de cet espace El Hamra : Cyrine Gannoun. Racontant cette œuvre comme suit :
Explication de Cyrine Gannoun, Directrice de l'espace El Hamra, de l'oeuvre de Tyour Ellil de son père Ezzedine Gannoun
Tyour Ellil
La pièce s'est produite récemment à Tanger le 12 novembre 2024. Son héros est un enfant, une fille s'appelant Meriem, mais jamais présent sur scène. Celui-ci est balloté dans un environnement social où il y a une succession de rencontres et de séparations entre un homme et deux femmes. En l'occurrence, la pièce raconte la vie d'un musicien, Aouadji (dialecte tunisien), vivant avec une chanteuse aveugle. Il est son ombre, car par lui-même, il n'arrive pas à entreprendre des collaborations artistiques. Ce même musicien s'occupe d'un enfant depuis maintenant cinq années. C'est la progéniture de son ancienne copine. Elle le lui a laissé pour suivre une carrière à l'étranger.
Le musicien, Badda, est stérile, n'arrive pas à avoir d'enfant. En plus, il a une faible personnalité, des fois, il s'exprime par la violence. Du coup, c'est lui qui s'occupe d'une descendance n'étant pas la sienne. Chahra revient donc après cette longue période d'absence. Elle veut récupérer sa fille, en le prenant avec elle à l'étranger. Badda refuse catégoriquement, car il est devenu la mère de cet être. Ainsi, Chahra se trouve obligée de dialoguer avec Bezouanka, la chanteuse aveugle avec qui Badda vit en concubinage.
De cet élément déclencheur se produisent plusieurs péripéties, plusieurs tumultes, querelles et disputes interminables. Finalement, Bezouanka ouvre une petite porte à Chahra en lui promettant de l'aider à reprendre son enfant. La pièce se termine sur le tiraillement de Badda, son égarement dans un environnement qu'il n'arrive pas à maitriser : sa vie fauchée et partant en friche. Une tragédie comique, racontant donc la fragilité des liens sociaux dans les temps présents.
Déclaration de Imed May, encadrant de la pièce Tyour Ellil de Ezzedine Gannoun
La forme
La pièce est composée d'une cabine téléphonique renvoyant à la période dans laquelle est écrite la pièce, à savoir en 1996. Son décor est extérieur, il y a trois lampadaires. La scénographie est minimaliste, elle renvoie au monde de la nuit, à ses festivités, ses relations éphémères et ses drames. Le plus souvent, le spectateur entend des grincements tristes de violon. Certaines scènes contiennent des brefs tableaux dansants.
En gros, durant une heure, le travail est bien élaboré, la pièce est très actuelle. Le seul bémol, c'est que les personnages dans le texte sont vieux et ont beaucoup de vécu derrière eux. Or, ce que l'on voit sur scène, c'est un discours de vieux joué par des jeunes. Cet aspect crée un certain décalage dans la réception et l'identification au récit. Ceci est tout à fait normal, selon Imed May, dans la mesure où cette représentation et ce texte sont un laboratoire ouvert en permanence pour les jeunes comédiens afin qu'ils s'exercent et se rodent aux métiers des arts vivants. Pièce méritant une seconde vie, notamment avec des comédiens ayant la quarantaine, par exemple.
Merci infiniment pour cet article qui met en lumière notre pièce ‘Tyour El Lil’ et notre spectacle d’hier. C’est une immense fierté pour nous d’avoir pu partager ce travail artistique avec le public, fruit d’efforts et de passion. Votre retour valorise non seulement notre travail mais aussi le théâtre universitaire tunisien. Encore merci !